Annoncé en 2009, Crysis 2 n'a eu depuis de cesse que de faire parler de lui. Car Crytek Studios et Electronic Arts ont sorti l'artillerie lourde avec des tonnes de vidéos, à tel point qu'on a frisé l'overdose. Mais il fallait bien ça pour la suite du plus beau FPS (et même plus beau jeu, toutes catégories confondues) de ces 4 dernières années (de tous les temps ?). Un titre qui avait mis à genoux nos machines en 2007 et su nous séduire par son environnement linéaire, mais une impression de non-linéarité et sa campagne solo plutôt longue et bien construite. Ce deuxième opus, qui marque aussi l'arrivée de la série sur console, arrivera-t-il à faire mieux que ses illustres prédécesseurs ?
Un scénario très...New-yorkais
Le scénario du jeu a été écrit par Richard Morgan, auteur du genre ayant quelques romans à son actif. Et je ne sais pas si c'est la coke ou la vie New-yorkaise (ou les deux), mais je n'y ai strictement rien compris. Il y a en effet une sorte d'empilage de couches qui n'ont pas grand chose en commun et qui sont maintenues ensemble via des flashbacks maladroits. Les cinématiques de Crysis : Warhead avaient beau être totalement nanardes, au moins on savait pourquoi on se battait. Donc, dans Crysis 2, la ville de New-York est la proie à une sorte d'épidémie de virus Ébola en un peu plus violent, sans que l'on ne sache d'où cela vient, ni comment on en est arrivé à cette situation. Par-dessus cette crise humanitaire majeure, vient s'ajouter une attaque d'aliens, sans que l'on ne sache d'où cela vient, ni comment on en est arrivé à cette situation. C'est là qu'entre en scène le commando de marines auquel vous appartenez qui veut exfiltrer un scientifique qui ne travaille ni sur l'épidémie, ni sur les aliens.Ce scientifique se trouve être Nathan Gould, un chercheur qui travaille sur la nano-combinaison. Pour couronner le tout, vous allez vous battre contre la milice du C.E.L.L., qui est aux ordres de la corporation (CryNet) qui possède la combinaison donnant des super-pouvoirs et qui veut la récupérer. Vous suivez ? Car ça se complique, le CELL et Gould pensent que c'est Prophet qui a la combinaison, alors que ce dernier l'a refilée à Alcatraz (le mec qu'on incarne, une vraie huitre, mais on y reviendra) et vous aurez donc tout le monde sur votre cul, alors que vous n'y êtes pour rien dans ce merdier. Et bien évidemment, il va falloir botter le cul à tout ce beau monde pour remettre de l'ordre. Mais là, j'ai fait la version courte, car le scénario nous propose même des retournements de situation du style « Meuh non, j'étais pas méchant, en fait je suis un agent de la CIA infiltré, t'as vu ». Bref, un scénario qui suit des voies parallèles sans jamais les faire communiquer en y laissant une grosse partie de sa crédibilité au passage.
Syndrome Gordon Freeman
Ce que j'ai compris, par contre, c'est que ce qui est au cœur même de l'histoire de Crysis 2 c'est bien la nano-combinaison, et non le soldat qui la porte. Les développeurs l'ont baptisé Alcatraz, mais il aurait tout aussi bien pu être le soldat inconnu que ça n'aurait rien changé. Ce dernier est tellement accessoire par rapport à l'intrigue que pendant la première partie du jeu, tous les autres personnages que l'on rencontre supposent qu'il est quelqu'un d'autre. Car notre bon héros est muet comme une carpe. Mais le pire, c'est que l'ensemble des personnages du jeu passent leur temps à nous parler, et croyez-moi qu'ils sont bavards. On a qu'une seule envie, c'est de leur crier « Mais putain de bordel de merde, vous ne voyez pas que si je vous réponds pas c'est que je ne suis pas Prophet ! » Voilà, c'est dit, ça soulage.Comme vous l'aurez compris, Crysis 2 manque d'un personnage auquel s'identifier. Par conséquent, l'histoire donne l'impression d'être un exposé technique auquel manque une dimension émotionnelle. Car en plus d'être muet, notre bon héros est insensible. Vous allez passer devant des tas de civils malades, en train de crever, certains vous appelant même à l'aide sans pouvoir interagir avec eux. De là naît une grande frustration, un sentiment d'impuissance. Et, surtout, le sentiment de se tromper de bataille. Car le but ultime de la campagne, devrait être d'agir en faveur de tous ces pauvres gens. Mais non, ici, on ne pense qu'à la combinaison à « un milliard de dollars » (sic).
La voix robotique et cancer de la gorge en phase terminale de la combinaison ne viendra pas rehausser le niveau, puisqu'elle est dépourvue de personnalité et sans aucun charisme (en plus d'être pénible à force de répéter des inepties).
Combinaison gagnante ?
Tout ça pour en arriver à cette fameuse combinaison qui transforme n'importe quel soldat inconnu en super héros. Une nano-combinaison qui a été légèrement revue depuis Crysis. Et par « revue », j'entends « simplifiée », puisqu'elle ne propose plus que deux modes : armure et invisibilité. La vitesse et le saut ont été fusionnés avec le sprint, ce qui fait que vous irez vite et sauterez haut dès que vous appuierez sur la touche de sprint. Ceci m'a tout de même sacrément déstabilisé dans ma manière d'approcher les situations. La jauge d'énergie est en effet bien moins conséquente, ce qui fait qu'on ne peut pas engager l'ennemi puis courir se mettre à couvert à 200 mètres de là en sprintant. En général, on se retrouve à court d'énergie au bout de dix mètres, ce qui fait qu'on est en plein milieu de la rue, avec trois soldats qui nous tire dessus, ce qui se solde souvent par la mort. Heureusement, la jauge d'énergie se remplit assez vite, ce qui compense un peu sa faible durée.La nano-combinaison s'est également vue ajoutée d'autres gadgets comme la vision thermique (qui pompe également de l'énergie) et des jumelles/aide pour les noobs qui vous servent à repérer et marquer les ennemis, mais également les caisses de munitions et les différentes manières d'approcher les situations. Car comme si rendre le jeu plus linéaire ne suffisait pas, Crytek Studios a intégré de conseils tactiques qui vous indiquent de quel côté passer pour être furtif, ou à quel endroit aller pour prendre une mitrailleuse lourde. C'est assez pénible à la longue, surtout qu'ils auraient pu l'expliquer une bonne fois pour toutes au début du jeu et nous laisser choisir par la suite. D'autant que les différentes possibilités sautent le plus souvent du temps aux yeux puisque le jeu est une succession de couloirs-arènes de taille moyenne (faudrait pas qu'on se perdre non plus). Fini les ballades en bateau ou les petits plongeons avant d'aller remplir le prochain objectif. Les arènes ne sont pas suffisamment grandes pour nous donner une impression de liberté. Mais heureusement que les level-designers ont intégré des parcours alternatifs, comme les égouts, permettant de prendre les ennemis à revers, sinon le jeu aurait été d'un ennui incommensurable. On est donc au-dessus des FPS de base (les CoD, MoH, et plus récemment HomeFront), mais ce n'est pas non plus la liberté totale.
Les développeurs ont réussi à transformer New York, l'une des plus grandes métropoles du monde, en un terrain de jeu plus confiné qu'une minuscule île tropicale. Jamais vous n'aurez la possibilité d'emprunter une rue adjacente à celle où vous vous trouvez, ni emprunter de petite ruelle etc. On se balade dans de grandes arènes qui prennent souvent la forme d'artères de communication jonchées de carcasses de voitures, de bâtiments à moitié effondrés, de containers et de bidons, et évidemment encombrée d'ennemis. Cette impression est encore renforcée par la quasi-suppression des véhicules. Les seuls qu'on peut conduire sont soit lors des phases de rail-shooting, soit des tanks sur des autoroutes.
Plus bête tu meurs
Mais le plus pénible dans le jeu, c'est sans aucun doute l'intelligence artificielle. Les ennemis oscillent entre le totalement débile et le parfait lynx. Par exemple, si j'épaule mon plus beau fusil sniper que je descends un des deux gardes, le deuxième ne va pas bouger d'un poil, aucune réaction, rien. Même chose quand on fait exploser un bidon d'essence à proximité d'un ennemi, s'il n'est pas touché, il ne bougera pas. Les ennemis nous oublient aussi un peu vite. Le HUD dispose d'une jauge de furtivité, et elle retombe très vite : on peut tuer un garde, attendre 20 secondes derrière une caisse pour que les autres sortent un truc du genre « c'était rien ». Parfois, pendant les combats on se dit qu'on va profiter de la débilité de l'IA pour descendre les ennemis facilement. On se rapproche donc en mode couverture du dos d'un ennemi pour faire un frag furtif (l'une des nouveautés de cet épisode), quand, au dernier moment, alors qu'on était à 50 cm de lui, l'ennemi se retourne brusquement et commence à nous tirer dessus. C'est tout simplement frustrant, et cela n'encourage pas la furtivité. Les aliens, pour leur part, sont bien plus mobiles, et verticaux, n'hésitant pas à grimper sur les murs, sauter de carcasse de voiture en couverture, de sorte qu'il est difficile de les toucher. Mais il leur arrive aussi de se comporter bizarrement, et les bugs qui touchent les soldats ennemis (bloqué dans un mur, courir dos à l'ennemi etc.) ne les épargnent pas.En mode de difficulté avancée, il m'a fallu 7h47 pour terminer le jeu. Cela situe Crysis 2 dans la moyenne basse du genre. A l'époque du test de Crysis, Lepape (pas celui du Vatican, l'autre) qui avait fait le test se plaignait des 15 heures de durée de vie. Mais trois Call of Duty sont passés par là entre temps et ont nivelé vers le bas les standards.
Beau de loin, mais loin d'être beau
La partie graphique du titre est assurée par le CryEngine 3 qui est simplement une version du CryEngine 2 rognée pour pouvoir tourner sur consoles. Et que ce soit sur Xbox 360 ou sur PS3, force est de constater que le jeu est beau. Très beau même. Mais pour en arriver là, il faut bien avouer que les développeurs ont opéré quelques pirouettes techniques pour jongler avec la mémoire limitée des consoles. Nous l'avons déjà vu, la taille des niveaux a été réduite. Mais la distance de vue l'a également été puisque de grands buildings nous cachent la vue la plupart du temps. Certes, le jeu est capable d'afficher de belles choses, comme des effets pyrotechniques impressionnants, ou encore des modélisations de visages particulièrement réussies ; mais rien que le premier opus n'était pas capable d'afficher.Là où cela devient plus problématique, c'est pour les textures. Vous souvenez-vous des magnifiques textures de Crysis en DirectX10 ? Et bien ici vous pourrez vous asseoir dessus. Les textures sont dans le meilleur des cas baveuses, dans le pire absolument hideuses. Il n'y a pas eu de progression depuis trois ans, et c'est ça qui marque le plus. Comme on le voit avec les textures, il y a même eu des régressions. Mais les textures ne sont pas les seules, et certains détails ne trompent pas, comme le fait qu'il n'y ait plus de vie animale sous-marine. A NY, pas de poissons, requins et autres tortues de mer. Niveau animaux, à peine voit-on quelques oiseaux de temps en temps, mais pas un seul rat ou chien errant, ce qui aurait augmenté le réalisme du jeu.
Sacrilège, sur PC, aucune option graphique avancée n'est disponible dans les options, remplacée par un choix entre 3 modes graphiques qui ne veulent à peu près rien dire et dont on ne sait pas trop ce qu'ils font — ou pas. Pour peu que l'on dispose d'une machine convenable, le jeu tourne correctement dans des résolutions élevées (il n'est disponible qu'en version DX 9) à 50-60 FPS. Mais là n'est pas le problème. Pourquoi Crytek Studios est allé modifier les paramètres graphiques du jeu ? Ne pouvaient-ils pas laisser comme c'était ? Les choix opérés sont plus que discutables, ils sont vomitifs.
Malgré tout, l'ambiance et l'atmosphère qui se dégagent du titre sont uniques. Le côté apocalyptique est bien retranscrit, avec une mise en scène incroyable de certaines scènes où l'on peut voir des immeubles entiers s'effondrer, des raz-de-marée ravager une partie de la ville ou encore des ponts exploser. La mise en scène est soignée et on s'en prend plein la vue tout au long du jeu. Dans Crysis 2, la guerre fait rage et des tonnes de scripts, alignés à quelques secondes les uns des autres, seront constamment là pour nous le rappeler.
NY au bout de la ligne
Le mode en ligne est développé par Crytek UK (anciennement Free Radical Design) et constitué d'un lot de douze cartes toujours sur le thème de New York, six différents modes de jeux opposant deux factions (l'armée et le C.E.L.L.), et quatre classes. On retrouve bien évidemment la possibilité de créer ses propres classes et apporter une tonne de modifications pour votre nano-combinaison, basés sur un système d'expérience.Gros regret également au niveau du multi, la disparition du mode de jeu power struggle avec ses grandes cartes et ses véhicules qui faisaient l'attrait des opus précédents. Il faudra se contenter du 6vs6. Le multi est sinon assez bon et plutôt nerveux. Mais il faudra voir s'il tient sur la longueur.
Conclusion
Le premier mot qui vient à la bouche quand on évoque Crysis 2 c'est déception. Si on le compare au premier Crysis, c'est certain qu'il ne lui arrive pas à la cheville. Mais si l’on prend la peine de mettre ce sentiment de côté, Crysis 2 se révèle être un bon FPS qui souffre malgré tout de petits défauts dus au développement multiplateformes, d'un scénario brouillon et d'une IA débile. Attention, Crysis 2 est un bon jeu, qu'on ne se méprenne pas, surtout sur consoles où il fait figure de nouvelle référence. C’est simplement que le jeu aurait pu être exceptionnel, mais qu’il est juste bon.
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