On a longtemps cru que les barrettes de RAM étaient toutes pareilles : des circuits imprimés supportant des puces de mémoires et quelques composants divers. Puis, augmentation des fréquences et des performances obligeant, on a vu arriver il y a quelques années des dissipateurs thermiques de couleurs et de formes différentes. Alors qu'on pensait qu'il n'y avait plus rien à inventer dans le domaine de l'esthétique de modules de RAM, Crucial avait fait fort en intégrant pas moins de 32 LED dans leur modules "Tracer" de 2 Go. Et ce, sans sacrifier aux performances. Et comme il n'est pas question de s'arrêter en si bon chemin, le constructeur a ajouté un contrôleur programmable via logiciel, et a intégré des sondes de températures. Les Tracer sont ainsi devenues des Smart Tracer, qu'on va découvrir sans attendre dans ce test.
Déballage et présentation
Crucial nous a fait parvenir un kit de deux barrettes de 2 Go de RAM DDR3. Chaque barrette est placée dans un blister de plastique dur transparent, toutes deux placées dans un étui en carton fin. Le packaging est donc ultra sobre et il met bien en valeur la robe noire du dissipateur thermique, mais il a surtout la vertu d'être anti-statique (« Electro Static Discharge Safe »). Cela permet de s'assurer que les composants ne soient ni endommagés mécaniquement, ni électriquement durant le transport. De plus, le polyéthylène (PET) utilisé pour cet emballage est 100% recyclable, ce qui est une avancée « verte », par rapport aux traditionnelles pochettes qui, elles, ne sont pas recyclables.Une fois l'emballage (très facilement) ouvert, on découvre de plus près une Crucial Ballistix Tracer 2 Go, dont les caractéristiques techniques sont les suivantes :
- Capacité : 2048 Mo
- Type : DDR III PC3 12800 (1600 MHz)
- 240 broches
- Garantie à vie
- Tension de certification : 1.65 V
- Timings : 8-8-8-24
- SPD avec XMP
- Sondes de températures
- LEDs et dissipateurs thermiques
- 2*12 LEDs d'activité
- 2*4 LEDs d'ambiance
Timings, vous avez dit timings ?
Avant d'aller plus loin, arrêtons-nous sur les timings, les fameux "8-8-8-24" tels qu'on les voit dans la fiche technique. Ils sont en fait liés au temps nécessaire pour accéder (en lecture ou en écriture) à une information dans la RAM. Chaque « case » de la RAM est en fait accessible par des coordonnées en "ligne / colonne", comme à la bataille navale.Pour réaliser un accès à une « case mémoire », il y a 4 opérations principales, ce qui corresponds bien aux 4 chiffres toujours donnés par les constructeurs, mais il y en a aussi une une petite dizaine d'autres dont on ne parle jamais et qui n'ont que peu d'importance. Il est utile d'indiquer que ces 4 chiffres ont une unité, il s'agit de « clocks ». Les « clocks », ou « coups d'horloge » sont directement liés à la fréquence de fonctionnement. Prenons 800 MHz. Il s'agit de 800 millions de Hertz. Le Hertz est défini comme étant un "évènement par seconde". 800 MHz correspondent à 800 Millions d'évènements par seconde, dans notre cas, chaque évènement est un coup d'horloge. Ce « clock » dure, à cette fréquence, 1/800 Millionièmes de seconde, soit 1.25 nano secondes.
La barrette a donc des timings standard de 8 clocks / 8 clocks / 8 clocks / 24 clocks. Chaque timing est en fait le « temps », exprimé en multiple de clocks, que la barrette prend pour faire une opération. Il faut donc TOUJOURS mettre en relation les timings et la fréquence de fonctionnement : 4/4/4/12 à 400 MHz (barrette DDR2 classiques) sont rigoureusement identiques aux 8/8/8/24 à 800 MHz d'une barrette de DDR3.
Voici donc, dans l'ordre, a quoi font référence les timings :
- CAS# Latency : Column Adress # Strobe Latency, aussi nommé tCL. C'est le nombre de clocks qui s'écoule entre le moment ou le contrôleur mémoire indique aux modules de RAM d'accéder à une colonne spécifique de la ligne actuellement active et le moment où cette donnée devient réellement disponible pour le processeur.
- RAS# to CAS# : Row Adresse Strobe to Column Adress Latency, aussi nommé tRCD. C'est le nombre de clocks qui s'écoule entre le moment ou le contrôleur mémoire indique de sélectionner une ligne spécifique et d'y réaliser une opération de lecture / écriture.
- RAS# Precharge : Aussi nommé tRP. C'est le nombre de clocks qui s'écoule entre le moment où le contrôleur demande d'activer en avance (precharge) une ligne et où celle-ci devient réellement activée.
- Active to Precharge delay, aussi nommé tRAS.C'est le nombre de clocks qui s'écoule entre le moment ou le contrôleur mémoire demande d'accéder a un changement de « bank », c'est à dire de barrette, et le moment où celle-ci est disponible et que le contrôleur renvoie une demande de « precharge ».
De l'usage du SPD et du XMP
Le SPD (Serial Presence Detection) est une petite mémoire (128 ou 256 octets de EEPROM) qui contient les informations relatives à la constitution de la barrette de RAM. On y trouve, par exemple, le type de technologie (DDRIII), la capacité globale de la barrette, la largeur de bus, etc, qui sont utilisées par le BIOS de la carte mère pour faire fonctionner la barrette et la faire communiquer avec le reste du système.Le SPD contient aussi les informations concernant des "profils" de timings, associées au fréquence et aux tensions. Normalement, dans un monde parfait, les BIOS de toutes les cartes mères seraient capables de tirer automatiquement parti de ses informations pour configurer aux mieux l'accès à la RAM. Cependant, par convention, dans un SPD, il n'y a que les timings correspondant aux normes JEDEC (Joint Electron Device Engineering Council). Les normes étant toujours en retard par rapport à ce que savent faire les constructeurs, les timings JEDEC sont lents, mais ils garantissent le fonctionnement de la barrette de RAM, peu importe la manière dont le BIOS lit la SPD. Le SPD est donc, de base, utilisé a minima. On se doute bien qu'il n'est pas possible dans ses conditions-là de faire de la barrette de performance comme Crucial (et ses concurrents) sont capables de faire.
La norme qui décrit le SPD précise qu'une zone de l'EEPROM est réservée aux constructeurs, pour y mettre ce qu'ils veulent. C'est ainsi que les fabricants ont défini les Xtreme Memory Profiles, les XMP. Ce "profil" est exactement constitué des mêmes informations que les 3 profils JEDEC, mais ils sont décorellés des normes. Crucial peut donc profiter de cette zone pour y inscrire les caractéristiques de timings exactes, telles qu'elles sont présentées commercialement. Malheureusement, seuls les chipsets Intel sont capables d'utiliser nativement cette technologie, qu'il faudra activer dans le BIOS. Pour les plateformes AMD, il faudra rentrer les paramètres à la main. Dans tous les cas, afin de profiter au mieux des barrettes, le passage par le BIOS est obligatoire
M.O.D.
Impossible de parler des Smart Tracer sans parler de l'outil MOD, pour Memory Overview Display. Etant donné qu'il n'y a pas la place de mettre un disque dans les petits emballages des modules de ram, l'utilitaire doit se récupérer sur le site officiel du constructeur. Du haut de ses 1020 Ko, ce logiciel est compatible avec toutes les versions de Windows depuis XP, mais nécessite .NET pour fonctionner. Il permet, comme son nom le laisse supposer, de tout savoir de ses barrettes de RAM. Il est pour se faire découpé en 5 panneaux différents :- SPD Data : On retrouve les informations classiques, avec les timings et les profils disponibles, et ce pour toutes les barrettes présentes dans le PC, Smart Tracer ou pas. On pourra regretter que ce logiciel ne soit pas capable d'indiquer les paramètres actuels de fréquence et de timings des barrettes. Il faudra passer par CPU-Z pour cela.
- Temperature : Affichées au dixième de degrés, les températures sont également représentées sous forme de graphique.
- Lights : Cette fenêtre gère les LED, par barrette. On règle la couleur (verte ou rouge), l'intensité lumineuse, et l'effet (chenillard, equaliser et autre « lava »). Les possesseurs de boitier à vite plexi, à l'instar du Lian Li X900 testé récemment, trouveront ici leur bonheur.
- Settings : C'est ici que sont accessibles les paramètres généraux de l'application
- About : Affiche les informations classiques d'un panneau à propos : liens vers le site web du constructeur, n° de version du logiciel, etc
Voici ce que donnent les différents réglages des LED en vidéo :
Il est temps désormais de nous intéresser aux performances de ces barrettes.
Protocole de test
Configuration de testLa configuration de test est la suivante :
- Carte mère Gigabyte P55A-UD3R
- CPU Intel Core i5 750
- Ventirad Noctua NH-D14
- Carte vidéo Gainward 4870 1 Go Golden Sample
- DD 1 To Samsung Spinpoint F1
- 1 To Western Digital Black Caviar
- Carte son X-Fi Pro Fatal1ty
Tests des performances
Pour les performances, on va s'intéresser au débit en lecture, écriture, et copie, ainsi qu'à la latence. On utilise le module de benchmark mémoire intégré à Everest 5.50. On fait 3 passes successives pour chaque test et on ne garde que la moyenne des résultats. On va aussi regarder la bande passante théorique à l'aide de Sandra 2011, en faisait également 3 passes successives. Viennent ensuite 3 passes de 3Dmark, en mode "Performance", pour avoir une idée un peu plus proche de la réalité.
Mesures de températures
Pour mesurer le dégagement thermiques des Smart Tracer, on va utiliser l'outil MOD présenté précédemment, et on comparera ces températures de RAM en idle et en charge. Une fois encore, c'est OCCT qui sera utilisé.
Paramétrages
Lors des précédents benchs de RAM Crucial, on s'était plutôt concentrés sur la diminution des timings à la fréquence nominale de 800 MHz. Aujourd'hui, on va plutôt se focaliser sur la montée en fréquence, qui rapporte toujours plus de performances.
Le core i5 750 de test à une fréquence de base de 2,67 GHz, obtenue avec un BCLK à 133 Mhz et un multiplicateur de 17. La RAM fonctionne dans ce cas avec le même BCLK de 133 Mhz, avec un multiplicateur de 10, soit 1333 MHz. Activer le profil XMP des Smart Tracer au niveau du BIOS passe en fait le BLCK à 160 MHz. La RAM passe donc à 1600 MHz DDR, ce qui est indiqué sur l'emballage, et le processeur est donc très légèrement overclocké à 2.72 GHz.
Pour pousser la RAM, on va changer le BCLK. Des essais successifs montrent qu'en fait, on peut le passer de 133 MHz à pas moins de 200 Mhz ! Ce qui fait que la RAM tourne à 2000 MHz, et que le processeur est quant à lui cadencé à 3,4 GHz, et ce sans toucher aux voltages et aux timings.
On va donc étudier les performances obtenues selon ces 3 différentes fréquences, ainsi que la température des barrettes.
- Profil JEDEC de base : 666MHz - 9-9-9-24 : aucun réglage spécifique dans le BIOS
- Profil XMP : 800 MHz - 8-8-8-24 : activation du profil XMP dans le BIOS
- Overclock fréquences : 1000 MHz - 4-10-10-30 : activation du profil XMP dans le BIOS, augmentation du BCLK à 200 MHz
Résultats & Analyse
Le tableau ci-dessous synthétise les résultats obtenus :Fréquence (MHz) | Timings (clocks) | Bande passante (Go/s) | Lecture (Mo/s | Écriture (Mo/s) | Copie (Mo/s) | Latence (ns) | 3DMark Vantage |
---|---|---|---|---|---|---|---|
666 | 9-9-9-24 | 16.02 | 14843 | 9560 | 13381 | 53.6 | 10218 |
800 | 8-8-8-24 | 18.9 | 14640 | 11164 | 15872 | 47.8 | 10430 |
1000 | 4-10-10-30 | 22.8 | 17240 | 13952 | 18778 | 43.3 | 10844 |
Tout d'abord, la carte mère Gigabyte de test s'est révélée être une alliée de choix pour jouer avec les différents paramètres des Tracers. Fréquence, timings, voltages, tout est pratique, et tout est bien pensé. Si le PC ne boote plus, pour cause de réglages un peu trop poussés, il est très facile de rectifier le tir. Nul besoin de dire que cela s'est produit quelques fois, un test de RAM ayant toujours une part de tâtonnement.
Les timings indiqués sont ceux définis automatiquement par la carte mère. On qu'à 666 MHz, c'est le profil JEDEC qui est utilisé. A 800 MHz, c'est logiquement ceux du profil XMP. A 1000 MHz, ce sont les valeurs 4-10-10-30 qui sont utilisées. Les 3 dernières valeurs (10-10-30) sont logiques par rapport à celles des autres fréquences, puisqu'elles ont augmenté légèrement pour contrebalancer la montée en fréquence (Cf le paragraphe dédié aux timings). Mais la valeur du premier chiffre (4) ne suit pas ce principe — on s'attendait plutôt à voir 10 — et c'est une excellente surprise, car c'est ce timing qui a le plus d'influence sur les performances.
Détaillons maintenant un peu les résultats. Côté bande passante, on observe une augmentation du résultat à chaque fois que la fréquence se fait plus agressive. Le dual channel est bien visible, sinon les valeurs obtenues seraient seulement de l'ordre de la dizaine de Go/s. Malheureusement, cette valeur est plus théorique que pratique.
Les valeurs de débit de lecture/écriture/copie relevés par Everest montrent des gains assez linéaires, ce qui vient conforter le point précédent. Côté 3Dmark, qui est le benchmark qui est le plus "proche" de la réalité confirme lui aussi qu'à 1000 MHz, on gagne pas moins de 600 points ce qui est appréciable.
Voyons ce que cela donne au niveau des températures.
Fréquence (MHz) | Temp Min Barrette 1 (°C) | Temp Min Barrette 2 (°C) | Temp Max Barrette 1 (°C) | Temp Max Barrette 2 (°C) |
---|---|---|---|---|
666 | 33.87 | 35.12 | 43.62 | 45.12 |
800 | 35.75 | 36.68 | 45.13 | 47.50 |
1000 | 38.10 | 39.20 | 51.08 | 52.24 |
Le tableau de températures relevé nous indique plusieurs choses. Tout d'abord, il y a toujours une différence entre la barrette 1, et la barrette 2. Celles-sont sont respectivement placées sur les emplacements DIMM1 et DIMM3 de la carte mère. Vu que le ventirad utilisé est l'imposant Noctua NH-D14, l'emplacement DIMM 1 se retrouve presque complètement sous le radiateur. Le flux d'air des 2 ventilateurs du NH-D14 a donc une légère influence sur la première barrette, ce qui explique qu'elle reste plus fraiche que la deuxième.
La température augmente entre 10 et 13 ° entre l'idle et la pleine charge. C'est un écart raisonnable, qui prouve que les dissipateurs thermiques font leur travail, même si la fréquence croît.
La barre des 50° que nous avons atteinte ne correspond en fait qu’à la moitié de la jauge colorée présente dans l'interface de l'outil MOD, ce qui semble indiquer que la valeur maximum supportable par les Smart Tracer est comprise quelque part entre 90 et 100°. Ceci laisse donc encore pas mal de marge pour un overclocking plus important, avec augmentation de tensions de fonctionnement. Le voltage est bien connu pour faire monter la température, et ces barrettes sont bien évidemment capables de le supporter.
Déclinaisons, disponibilité et prix
Ce kit 4 Go de Ballistix Smart Tracer à LED vertes et rouges est vendu chez notre partenaire materiel.net au prix de 54.49 euros. Il existe aussi une version dotée de LED bleues et oranges, disponible au même prix.La gamme Smart Tracer, qui a complètement remplacé la gamme Tracer, est également bien plus réduite que cette dernière où il y avait profusion de références. Il n'y a plus qu'une seule couleur de dissipateur thermique, une seule technologie de RAM (DDR3) et une seule fréquence de fonctionnement. Les barrettes ont une capacité unitaire de 1 ou 2 Go et sont aussi vendues en kit double et triple channels.
Pour aller plus loin
Pour mieux comprendre le fonctionnement de la RAM, n'hésitez pas à lire notre article intitulé "la RAM : on vous explique" !Conclusion
Les Smart Tracer de Crucial sont des barrettes de RAM créées avec soin. Elles sont d’une grande qualité et proposent des performances extrêmement homogènes et très bonnes. Mais Crucial pense aussi au porte-monnaie des joueurs et démontre que la performance est également accessible avec un budget modéré. Qu'on soit gamer, power user ou branché tuning, il y a toujours une facette de ces barrettes pour nous ravir. Le constructeur a bien fait de remplacer la gamme Tracer par celle-ci, plus lisible et encore plus aboutie sur tous les plans. A moins de 60 euros les 4 Go, on en redemande !