Quand Electronic Arts lance une nouvelle licence, c'est un peu un évènement en soi. Quand cette dernière s'annonce prometteuse et qu'en plus c'est à la première personne, il y a forcément de quoi s'emballer. Mirror's Edge est un jeu d'aventure à la première personne développé par DICE (qui prouve par la même occasion qu'ils savent faire autre chose que du Battlefield) qui se déroule dans une ville imaginaire et utopique du Japon.
De l'autre côté du miroir
Dans Mirror's Edge, l'action se déroule dans une ville utopique dans laquelle les citoyens ont fait le choix d'abandonner une partie de leurs libertés individuelles pour avoir une vie confortable et sûre. Dans cette ville où l'information et les moyens de communication traditionnels sont contrôlés par le pouvoir, les données sensibles des dissidents circulent loin des voies officielles grâce à des messagers. Vous incarnez donc Faith, l'un d'entre-eux qui parcours la ville des toits aux égouts pour faire passer messages et missives importants. Avec un background pareil, les développeurs avaient de quoi nous sortir un scénario béton avec notre société actuelle comme point de départ (le Patriot act aux États-Unis, cela ne vous rappelle rien ?) pour développer plus particulièrement l'univers des personnages. Au lieu de ça, et c'est furieusement regrettable, on doit se contenter d'une historiette assez bateau : Un crime a été commis et le principal suspect est votre sœur. Comme les liens familiaux sont plutôt importants à vos yeux, vous allez décider de voir ce qui se trame derrière cette affaire et accessoirement de libérer votre sœur du système. Mais pour mener l'enquête, vous ne disposez pas d'armes, seulement de votre petit corps.Une héroïne Nesque-genme
Car justement, ce petit corps est bien présent dans le jeu ; c'est la première fois dans un FPS que j'ai vraiment la sensation d'avoir un corps. Si vous baissez les yeux, vous verrez votre corps, mais la sensation ne s'arrête pas là : lors de la course vous sentirez les pas, la respiration, les efforts de votre héroïne jusqu'à se prendre pour elle. J'ai rarement dans un jeu eu la sensation de vertige comme elle est rendue ici. Les développeurs ont encore accentué ce ressenti avec des cinématiques à la première personne qui vous immergent encore plus dans le personnage. Vous n'incarnez pas Faith, vous ÊTES Faith. A partir de là, on aurait pu penser que ce soit plus exploité par l'équipe de développement pour introduire dans le jeu une part de sentiment, mais en fait pas tellement, c'est dommage. Bon, les développeurs ont quand même réussi à créer un nouveau genre, le jeu de plate-forme à la première personne. Pour porter ce nouveau concept, DICE s'est reposé sur l'Unreal Engine 3 qui révèle ici tout son potentiel. Le jeu tourne le dos à la tendance actuelle du marron/gris/caca pour afficher des couleurs vives, chatoyantes dans un univers coloré et rafraichissant. Seul l'aliasing très présent et très moche (sur PS3 comme sur Xbox 360) vient assombrir ce tableau qui frôlait pourtant la perfection.Et ce n'est pas tout, puisque pour avoir un tel gameplay, il fallait une maniabilité aux petits oignons, et de ce côté là, je suis très convaincu. Même pour un novice, après un petit temps d'adaptation d'une dizaine de minutes, on se surprend à enchainer les sauts et les sprints avec une facilité déconcertante. Mais si les mouvements sont bien intégrés, sont-ils bien exploités ?
FPPF : First Person Plate-forme
Qu'on se le dise, Mirror's Edge propose avant tout de la plate-forme. Le gameplay se résume donc souvent à aller d'un point à un autre de la carte le plus rapidement possible et en composant avec l'environnement : planches, bouches d'aérations, échafaudages, câbles électriques etc. Les mouvements sont nombreux, puisque notre petite héroïne peut se déplacer horizontalement, mais aussi verticalement. On monte, on saute, on court, on s'accroche (les premières minutes du jeu seront d'ailleurs plutôt je cours, je saute, je tombe, ça charge, et rebelote. Mais on s'y fait vite). Malheureusement, on se rend très vite compte de la linéarité du titre. D'accord, on peut théoriquement utiliser le chemin que l'on souhaite, mais au final, on se retrouve vite à faire toujours les mêmes mouvements aux mêmes endroits. Puis au final, qu'importe le chemin utilisé, on arrive toujours au même endroit : sur les dix portes croisés sur les toits, une seule s'ouvre pour vous laisser entrer dans le bâtiment. D'ailleurs, le jeu se déroule toujours de la même manière : on traverse une zone assez grande et libre, puis on entre dans un immeuble où on traverse des couloirs étroits, puis on prend un ascenseur pour remonter sur un toit et on recommence. Certaines zones sont sans flics, et dans d'autres vous serez poursuivis et malgré la variété des environnements traversés (gares de métro, usines, chantiers désaffectés, toits, bureaux, bâtiments administratifs etc.) la linéarité du titre vexe un peu le joueur avide de liberté. D'autant plus que sous vos pieds ou derrière les grillages vous verrez souvent du monde, des piétons des voitures etc. mais vous n'en croiserez aucun pendant le jeu. M'enfin, la privation de liberté, c'est un peu le crédo du titre.Matrix Style
Pour venir à bout des flics, le jeu propose un mode Bullet Time, une sorte de septième sens (je reviendrais sur le sixième sens de Faith ensuite) qui permet de passer en mode ralenti pendant un court laps de temps. Le Bullet Time est illimité en nombre d'utilisations, mais deux déclenchement ne peuvent pas s'enchainer. Mine de rien, ce petit ralenti sera votre seul allié dans l'aventure face aux hordes de flics (et autres) qui en voudront à votre peau. Pour mettre à terre un ennemi, vous avez deux solutions, soit le frapper avec vos poings et vos pieds jusqu'à qu'il s'écroule, soit le désarmer. Et c'est là qu'apparait notre Bullet Time qui est quasiment indispensable pour désarmer les flics et les mettre HS. Sans, je n'ai pas réussi à désarmer un seul flic, avec, j'en ai désarmé quelques uns, mais au bout d'un certain temps de pratique, car il faut avoir un bon timing sous peine de se manger un coup de crosse. Attention, néanmoins, avec une arme en main, Faith sera incapable de franchir les obstacles ou courir vite : tout est fait pour que vous abandonniez les armes très vite. Dans la même optique, les armes ramassées auront toujours très peu de munitions (à peine de quoi tuer un flic en fait) pour que vous utilisiez plus vos aptitudes que la facilité procurée par un bout de métal.L'autre super pouvoir de Faith est le sens urbain (il peut se désactiver dans les options). Son sixième sens donc lui permet de voir immédiatement le meilleur chemin pour arriver à ses fins. Dès que vous vous approchez d'un objet avec lequel vous pouvez interagir, il se colore en rouge vif. Au début, on se dit qu'on va le désactiver comme ça on prouvera qu'on est pas une lopette, mais au final on le laisse activer pour la simple et bonne raison qu'on galère un peu sans. Cela rallonge artificiellement notre temps dans chaque niveau car on galère pour trouver notre chemin : tester toutes les portes et sauter sur toutes les caisses, juste "pour voir" c'est une belle perte de temps. A côté de ça, le joueur utilisant le sens urbain pourra enchainer les mouvements en toute fluidité et avec une rapidité appréciable. Le choix est vite fait.
Call of Multi
Avec un durée de vie proche d'un mauvais épisode de Call of Duty, on est en droit de demander un peu plus. Au niveau du mode multi, qui aurait pu sauver la durée de vie du titre, c'est un peu décevant. Il faudra compter sur les modes contre la montre ou parcours mais tout ce qu’ils proposent, c’est de refaire les niveaux que l’on connait déjà. Alors bien sur, vous pourrez télécharger les fantômes d'autres joueurs pour vous frotter à eux, mais c'est peu. Trop peu. Pourquoi ne pas avoir fourni des modes de course à plusieurs en écran partagé ? On aurait même pu imaginer un niveau où les joueurs débutent chacun d'un côté d'une grande carte et doivent rejoindre un point précis. Ou encore des courses poursuites avec les soldats d'Icare. Bref, trop de frilosité tue la rejouabilité.Vidéo du premier parcours du jeu. Je n'ai pas battu mon record personnel à cause d'une mauvaise réception au début.
Conclusion
Au final, Mirror's Edge est un bon jeu. Malheureusement, les développeurs ont raté le coche pour faire de lui un grand jeu. Une durée de vie un peu courte, un mode multijoueurs anecdotique et un scénario un peu léger suffisent à lui mettre du plomb dans l'aile malgré son design frais, son gameplay innovant et son aventure palpitante. Avec une durée de vie de 6 ou 7 heures tout au plus et une rejouabilité sévèrement handicapé par la grosse linéarité du titre, ça fait un peu cher l'originalité. Heureusement que Mirror's Edge arrive un peu comme un OVNI en cette fin d'année emplie de suites...