Automne 2009. Alors que le raz-de-marée Modern Warfare 2 s’apprête à déferler sur les consoles et PC du monde entier en imposant couloirs et scripts comme la nouvelle norme du FPS moderne, Gearbox Software (jusqu’ici principalement connu pour la série des Brothers in Arms) prend le parti pris opposé de livrer avec Borderlands un FPS open-world en cel-shading complètement barré, à mi-chemin entre Mad Max pour l’ambiance et Diablo pour la quête effrénée de loot. Avec 4 millions et demi d’exemplaires vendus (sans compter les ventes de DLC), il était évident que la licence n’allait pas en rester là, et donc voici que déboule 3 ans plus tard Borderlands 2, l’un des titres les plus attendus de l’année.
Claptrap-moi si tu peux
5 années se sont écoulées depuis que nos quatre intrépides aventuriers de Pandore ont révélés le secret bien gardé (et bien décevant, il faut l’avouer) de l’Arche en anéantissant par milliers bandits, soldats de la Lance Ecarlate et créatures hostiles se trouvant sur leur chemin. Mais déjà, la rumeur d’une seconde Arche encore plus grande et riche en trésors attire les convoitises de nouveaux chasseurs, plus motivés et surarmés que jamais. Il leur faudra cependant composer avec une nouvelle menace planant sur Pandore sous la forme d’un gigantesque satellite : la société Hyperion et son leader mégalo et sadique, le Beau Jack (ou Handsome Jack en V.O.), sont en effet bien décidés à dézinguer les pilleurs de trésors pour s’approprier la nouvelle Arche tout en asservissant le reste de la population de Pandore à la collecte de l’Eridium, ce métal précieux apparu sur la planète lors de l’ouverture de la première Arche... C’est dans ce contexte explosif que commence le jeu, avec un attentat perpétré par la société Hyperion contre un train transportant plusieurs aventuriers dont notre héros réchappera de justesse. Mal en point, perdu en pleine région arctique, celui-ci devra son salut à un robot Claptrap qui se fera un plaisir de faire le guide... Bienvenue sur Pandore !Pas question de changer une formule qui gagne : succès aidant, la franchise Borderlands (puisqu’il faut bien l’appeler ainsi désormais) est désormais attendue au tournant par des millions de joueurs, et le peu inspiré (doux euphémisme) Duke Nukem Forever ne donne qu’une faible marge de manœuvre au développeur qui n’a désormais plus le droit à l’erreur. Gearbox s’est donc appliqué, de la réalisation au gameplay, à conserver ce qui a fait le succès du premier opus tout en corrigeant par petites touches ses points faibles, à commencer donc par le scénario, moins linéaire, plus consistant, et avec un bad guy bien identifié qui ne manquera pas de vous contacter à intervalles réguliers pendant tout le jeu, occasionnant moult rebondissements. On sent ici l’influence des extensions de Borderlands et en particulier de l’Armurerie Secrète du Général Knoxx sur la narration du titre, globalement mieux maîtrisée et rythmée que dans le premier opus. Cette impression se ressent également sur la direction artistique du jeu, qui semble vouloir repousser les limites établies précédemment, avec des environnements parfois très impressionnants et beaucoup plus variés et travaillés qu’autrefois – après avoir passé plusieurs dizaines d’heures à explorer les très monotones étendues arides et décharges à ciel ouvert du premier volet, ce n’est pas du luxe. Autre bonne nouvelle, l’humour déjanté de la série ne s’est pas perdu en cours de route et les réflexions désopilantes des habitants de Pandore sont toujours au rendez-vous.
50% FPS, 50% RPG, 100% jubilatoire
Borderlands 2, à l’instar de son aîné, se présente donc sous la forme d’un FPS empruntant aux jeux de rôle une grande liberté d’action, l’accumulation des points d’expérience au fil des combats et missions et la recherche frénétique d’items. Première étape dans la quête de l’Arche, la sélection de votre avatar, chacun des quatre chasseurs de l’Arche jouables appartenant à une classe disposant de son propre arbre de compétence et d’une capacité spéciale activable après un délai de recharge plus ou moins long. Ainsi, Axton le commando est capable comme Roland avant lui de déployer une tourelle de défense permettant de distraire les ennemis, Maya la sirène peut utiliser sa compétence de verrouillage de phase pour neutraliser un ou plusieurs adversaires, Zéro l’assassin sait se rendre invisible et activer un leurre pour jouer l’élimination furtive au corps à corps quand il n’utilise pas son fusil de précision et enfin Salvador, le bourrin de service, peut carrément défourailler avec une arme dans chaque main, même dépareillée : attaquer avec un lance-roquette dans une main et un fusil de sniper dans l’autre, aucun problème ! A noter qu’une cinquième classe est d’ores et déjà disponible sous forme de DLC (gratuit pour les personnes ayant précommandées le jeu) : on ne pourra que regretter la décision de Gearbox de ne pas avoir inclus cette classe dès le départ, même si il y a déjà largement de quoi s’occuper avec les classes présentes dans le jeu de base.Le roster de départ est donc plutôt varié et équilibré et si le choix de la classe ne bouleversera pas fondamentalement le gameplay, une utilisation judicieuse des points de compétences permettra tout de même à chacun d’ajuster sa technique de combat en fonction de son style de jeu. La progression du héros fonctionne toujours sur le même principe que précédemment : chaque montée de niveau octroie un point à dépenser dans l’arbre de compétence (bonne nouvelle, le jeu offre toujours la possibilité, moyennant finance, de réinitialiser les points dépensés), et il est possible d’équiper son personnage avec les reliques de l’Arche récoltées sur le terrain pour bénéficier d’un bonus particulier (comme des dégâts accrus pour un type d’arme précis ou une régénération de bouclier plus rapide). Deux nouveautés sont toutefois à signaler : la disparition de la montée de niveau des types d’armes et surtout, l’apparition des jetons de brutasse. Si la première nouveauté pourra prêter à discussion, la seconde en revanche constitue une sympathique addition au système de défis déjà existant : le jeu offre toujours la possibilité de compléter des objectifs secondaires liés au nombre d’ennemis tués, au nombre d’armes ramassés… mais cette fois, la récompense se présente sous la forme de jetons de brutasse, à dépenser pour bénéficier d’un léger bonus applicable à tous les personnages créés sur le compte du joueur (augmentation des dégâts ou de la vitesse de rechargement des armes, santé plus importante, etc). Un moyen bienvenu de récompenser les joueurs perfectionnistes (d’autant que les défis font preuve d’un peu plus de variété que dans Borderlands premier du nom) tout en restant totalement dispensable pour les autres. A noter que la visualisation des défis et arbres de compétence, ainsi que la carte, l’inventaire des items et la liste des missions en cours se fait dans un menu en vue isométrique assez mal fichu et avant tout conçu pour une utilisation à la manette, au grand désespoir des joueurs PC.
Avec Torgue, ça fait plus de gros BOUM !
Et le gameplay dans tout ça ? Sans surprise, les amateurs du premier volet retrouveront instantanément leurs automatismes, avec une jouabilité quasi-inchangée et des combats toujours aussi nerveux et à la limite du bourrinage. Principale nouveauté, les ennemis sont bien plus nombreux et variés que dans le premier Borderlands et se comportent de manière un peu moins stéréotypés. Si l’on retrouve les nabots à shotgun et autres skags bien connus, l’intégration des robots d’Hyperion et de nouveaux monstres issus de la faune pandorienne permettra de varier les plaisirs et l’approche des combats. Dans le même ordre d’idée, cette volonté d’apporter plus de diversité au titre s’applique également aux armes, certaines bénéficiant d’effets pour le moins… surprenants (mention spéciale à la Calamité, dont on se gardera ici de spoiler les caractéristiques). Gearbox a également eu la bonne idée de renforcer les différences entre les manufacturiers d’armes, que ce soit sur le plan visuel ou des effets, à l’image des armes Tediore que l’on balance aux ennemis pour les faire exploser une fois le chargeur vide. Une bonne idée, qui associée à d’autres rend le loot des armes tout aussi addictif que dans l’épisode précédent, chaque coffre ouvert ou boss tué étant l’occasion de décrocher l’arme légendaire tant désirée, ou une énième pétoire tout juste bonne à être ramassée. Le seul réel regret que l’on pourrait émettre concerne l’absence de nouveau type d’armes par rapport au premier opus. Un mot rapide sur les véhicules, qui font également leur retour : si leur contrôle reste relativement délicat, ceux-ci apportent une variété bienvenue à l’ensemble.Tous ces nouveaux éléments se mettent ainsi au service de missions principales et secondaires de belle facture. Bien que celles-ci cèdent parfois à la facilité (les « quêtes Fedex » et autres combats en arène), il faut saluer la volonté des designers de proposer dans l’ensemble des quêtes originales et parfois complètement barrées, bien aidées par un level design globalement inspiré, ce qui est une performance non négligeable pour un titre en monde ouvert. Toujours dans les points positifs, Gearbox a retenu les leçons du passé et propose cette fois une difficulté revue à la hausse, avec des missions à la difficulté bien plus en adéquation avec le level du joueur, là où le premier Borderlands n’offrait qu’un challenge très limité dans sa seconde partie. Pour couronner le tout, la durée de vie a été revue à la hausse et flirte cette fois avec les 40 heures, en faisant abstraction du Parcours 2, (équivalent à un mode « New Game + ») indispensable pour atteindre le level 50, et du mode co-op.
Plus t'as de potes, mieux c'est !
Le multi-joueurs, parlons-en ! Le mode coopératif permettant de parcourir l’ensemble de la campagne à 2 joueurs en écran splitté ou jusqu’à 4 joueurs en ligne est de retour. Toujours aussi fun, ce mode de jeu innove finalement assez peu par rapport au premier Borderlands. Tout juste pourra-t-on noter l’apparition d’un menu d’échange d’items, plutôt pratique. Dommage en revanche que les interactions entre joueurs lors des combats ne soit pas plus poussés, les compétences d’action favorisant peu les combinaisons. Un dernier mot enfin sur la réalisation technique du titre. Basé sur l’Unreal Engine 3, le moteur graphique de Borderlands 2 fait toujours la part belle au cel-shading et se permet ainsi de rester relativement fluide sur console (à quelques exceptions près toutefois, notamment sur les maps les plus denses) pour un rendu finalement très proche de l’épisode précèdent. Difficile en revanche de passer sous silence le chargement excessivement long des textures lors des changements de maps. Sans surprise, la version PC s’en sort beaucoup mieux sur ce terrain, en plus d’offrir les raffinements propres à nos bêtes de course (distance d’affichage accrue, filtrage anisotrope x16…), ce qui est un bon point. Un de plus.Conclusion
Renforcer ses qualités tout en gommant ses défauts : Borderlands 2 a tout de la suite solide. Reposant sur un gameplay jouissif et un sens de l’humour ravageur, le titre propose un challenge et une variété des environnements et situations qui manquaient à son prédécesseur. Si l’on ajoute à cela un système de progression des personnages et de farming d’items toujours aussi prenant, un mode co-op fun à souhait et une direction artistique parfaitement maîtrisée, on tient là une réussite incontestable. Alors d’accord, certains défauts subsistent, et il est probable que les joueurs réfractaires au premier opus ne trouveront pas davantage leur compte avec cette suite. Dommage pour eux, car même si la formule n’a pas fondamentalement changé, Gearbox a su faire de son titre phare l’un des indispensables de 2012.