Quelques rappels
Avant de parler du jeu proprement dit, on peut s'arrêter quelques instants sur son origine. Tout commence avec un constat simple : les processeurs des ordinateurs, dans les jeux, passent du temps à calculer tout ce qui est déplacement et interactions entre éléments (collisions, etc.). Dès lors se pose la question : pourquoi ne pas créer une puce dédiée à ce genre de traitement ?
En 2002, plusieurs personnes originaires du monde entier fondent la société AGEIA (États-Unis, Allemagne, Égypte et Inde), dans le but de s'attaquer à ce concept intéressant : les Physics Processing Units, ou "PPU" pour faire court. La première, et seule puce de type PPU à ce jour, sort début mai 2006, soit un an avant la rédaction de ce test.
Lors de cette sortie, tout le monde ne parle plus que d'Ageia et de sa puce PPU, nommée PhysX, mais pas qu'en bien. D'une part, parce que seuls deux jeux la supportent, d'autre part, parce qu'à plus de 300 euros la carte, ça fait cher payer pour deux jeux. De plus, dans les jeux supportés, on ne voit pas spécialement le gain apporté par ce PPU.
Hardware.fr conclue de manière claire lors de son test, à l'époque, de la carte estampillée ASUS :
Lors de chaque introduction d’une nouvelle technologie, l’enthousiasme nous gagne mais cette fois, autant être clair, il est rapidement retombé. Lorsque le processeur PhysX a été mis en avant par Ageia il y a déjà de nombreux mois, nous pouvions le voir comme un accélérateur physique global, mais il n’en est rien. Il ne suffit pas de mettre le processeur PhysX et de lancer un jeu qui utilise le moteur PhysX (Ageia ne jouerait-il pas sur cette confusion ?) pour en profiter. Pour exploiter le processeur PhysX, les développeurs doivent spécifiquement l’adresser pour chaque effet qu’ils veulent accélérer.Depuis, il faut bien avouer que les choses n'ont pas beaucoup évolué. On compte le nombre incroyable de ... 15 jeux supportés. La carte se négocie autour de 200 euros dans une petite poignée de magasins en ligne, ce qui est un peu mieux qu'auparavant mais loin d'être transcendant.
Alors, pour essayer de motiver un peu les troupes et dans l'espoir de booster ses ventes, AGEIA a sponsorisé le développement de ce qui au départ devait être une démo technologique, et qui est devenu un jeu. C'est l'objet de ce test.
Machine de test
La machine de test n'incorpore que du matériel récent :
- Core 2 Duo E6420 @ 2.4GHz
- Asus 8800 GTS 640 Mo
- 2 x 1Go de Ram DDRII PC 6400 Gskill
- Western Digital Raptor 36 Go
Introduction et menus
Après avoir téléchargé gratuitement les 850 Mo du jeu, on lance l'installation. Le setup met à jour DirectX 9.0C, déploie le moteur AGEIA ainsi que son panneau de contrôle. On remarquera au passage, sur la capture à droite qu'il existe plus d'une quinzaines de versions supportées du moteur AGEIA. On ne peut que plaindre les développeurs qui doivent jongler avec ses versions. Le setup fini par le plus important, à savoir le jeu lui même.
C'est tout fébrile qu'on lance Cell Factor : Revolutions. Sur le site officiel, il y a des super screenshots, il est question de manier des pouvoirs psychiques, c'est un FPS multi-joueur, en théorie, c'est que du bonheur.
D'habitude, on parle peu des menus d'un jeux. Dans le cas de Cell Factor, vu qu'il n'y a pas de vidéo d'intro pour expliquer un peu le contexte, on y arrive donc directement. Là, tout est fait pour que l'interface soit "staïle". Chez Ageia, ça veut dire noir et blanc, avec en transparence, en dessous, une vidéo ingame qui tourne. C'est ... particulier. On aime ou pas.
On passera sur l'organisation des options assez spéciales, puisque les options graphiques sont isolées du reste, alors que vu le nombre d'items très limité un seul panneau aurait presque pu suffire.
Maps et types de jeux
On peut soit jouer en multi avec des gens, en LAN seulement, ou contre 9 bots au maximum. À priori, il y aurait des niveaux solo, mais l'option est grisée pour l'instant. Rien n'indique que la présence d'un PhysX donnera accès à cette option.
On dénombre au total quatre modes de jeux : DeathMatch, Team DeathMatch, CTF et Assault, et ainsi que cinq cartes. Les cartes sont communes à tous les types de jeux, ce qui n'est pas une preuve d'optimisation du gameplay. De plus, sur ces cinq cartes, seules deux sont accessibles sans avoir de PPU PhysX dans sa machine. Elles ont interêt à avoir été bien choisies !
D'après ce qu'on peut voir, les bots utilisent la technologie "Kynapse", des français de Kinoton. Quand on sait qu'étant integré à l'Unreal Engine 3 pour gérer l'intelligence artificielle, on peut imaginer que c'est un gage de qualité.
Classes de personnage et arsenal
Avant chaque partie, on choisit la classe de personnage que l'on souhaite incarner. On en dénombre trois, dont les différences se situent surtout au niveau de la possibilité d'armement et de l'accès aux pouvoir psychiques (on y reviendra un peu plus tard).
- Le Black Op est la classe intermédiaire. Elle peut emporter une arme, et a accès de manière standard aux pouvoirs psychiques.
- Le Guardian dispose d'une arme dans chaque main, mais est privé de pouvoir. Il faut penser à associer deux boutons pour tirer, car les armes sont indépendantes.
- Le Bishop est tout l'inverse, puisque ses pouvoirs psy sont si puissants qu'il n'a pas besoin d'autre chose.
Chaque classe correspond donc à une manière de jouer un peu différente et chaque joueur y trouvera son compte.
Au niveau des armes, c'est assez standard. Un fusil d'assaut, un fusil de snipe avec zoom 10x et un lance-roquettes. Le tir alternatif est constitué respectivement d'un lance grenade, d'un tir de mine magnétique, et d'un tir groupé de roquettes. On notera en revanche des grenades bien sympathiques : une mine de proximité à coller sur les murs pour une explosion déclenchée au passage d'un joueur, et une grenade à gravité, qui attire tous les objets présents autour d'elle.
On dispose aussi de véhicules, assez sympas. Un exosquelette de combat avec des grosses mitrailleuses, capable de voler et une espèce de petit vaisseau et un buggy avec tourelle forment un trio de choc.
Les pouvoirs psychiques, quant à eux, ne sont ni plus ni moins que les pouvoirs de base d'un Jedi dans des FPS comme Starwars : Jedi Academy, que le gravity gun dans Half life 2 ou le manipulateur dans Doom 3 : Resurrection of Evil. On peut donc soit « Pousser », soit « Tirer ». Heureusement, quelques variantes et coups spéciaux viennent ajouter du piquant à la chose.
Gameplay
Afin de prendre en main rapidement la bête, 10 petites vidéos tutoriales sont disponibles. On ne manque pas de préciser que ces vidéos ont été réalisées sur des niveaux nécessitant un PhysiX. Il faut bien regarder pour comprendre ce qui se passe, car seules les touches à utiliser sont indiquées, le cas échéant.
On y apprendra qu'on peut utiliser le décor et l'environnement de différentes manières. On peut prendre une caisse et la balancer sur un ennemi, pousser violemment tout un paquet de débris ou pousser votre ennemi dans la lave, ou l'écraser entre vos mains. Bien évidemment, la panoplie complète des coups "Psy" est réservée au Bishop, les autres classes ayant quant à elles accès aux armes, mais aussi à quelques coups spéciaux. Le Guardian peut par exemple déclencher un "hyper run", et tuer à l'impact ses ennemis.
Dans la réalité d'une partie, cependant, il faut un minimum d'entrainement pour réussir à manipuler tous les aspects du jeu. La diversité des coups et des armes fait qu'on ne se retrouve jamais sans possibilité d'attaquer ou de se défendre, encore faut-il apprendre à maitriser sa palette de possibilités, et savoir quand appliquer quelle technique.
Chaque affrontement devient assez épique, quand on hésite entre les grenades, un coup psy et tirer simplement. Les zones du niveau contenant des objets sont souvent le théâtre de batailles intenses, puisque c'est là qu'on peut le plus interagir avec l'environnement. On notera que certaines caisses spéciales provoquent ce qu'on pourrait appeler des "anomalies gravitationnelles", en référence à S.T.A.L.K.E.R.: Shadow of Chernobyl. Malheur à celui qui est à proximité quand elles explosent.
Les niveaux sont grands, et on peut se faire attaquer de toute part et de manières aussi diverses que variées, et ce en 3 dimensions. 2 véhicules, ainsi qu'une classe de perso, le Bishop, peuvent en effet voler. On peut trépasser d'une rafale de fusil d'assaut à moyenne portée, exploser sous les tirs de missiles du "dusk" ou être snipé à longue distance, être psy-écrasé par un bishop au-dessus de sa tête ou subir les lois de la gravité avec des débris sur le coin de la tronche... Tout un programme !
Et lorsqu'on a le bonheur d'ensevelir un ennemi sous une tonne de caisses, on a la joie de voir apparaitre un "PhysX kill", à la manière des multi-kill et autres d'UT.
Graphismes
Au niveau visuel, l'ensemble est de qualité, mais on sent un parti pris "minimaliste" au niveau des couleurs. Le niveau "ProvingGrounds" contient une palette étonnante de gris, et quant au niveau "FuelingStation", lui, il tire plutôt vers les tons rouille. En rajoutant à cela que le HUD est blanc, et que le menu est lui aussi monochrome, on peut en déduire que les autres niveaux non jouables par le commun des mortels ont eux aussi une couleur dominante assez terne.
Concernant l'anti-aliasing ainsi que diverses options liées à la qualité graphique, on ne peut pas tous les régler directement dans le jeu. On peut en forcer une partie avec les pilotes de la carte vidéo, mais pour les autres, il faudrait plonger en détail dans les fichiers de configurations du jeu.
Le HDR semble pour sa part utilisé à bon escient, et on n'a pas ce rendu un peu flashy décrié par certain. Il faudrait avoir plus de niveaux pour s'en assurer.
Musiques
Les musiques sont à mon sens très réussies, en même temps seuls deux titres sont disponibles, un par niveau accessible sans le précieux sésame. Même si ce n'est pas un point capital, il est bon de le noter.
Conclusion
Comment conclure le test d'un jeu gratuit à but commercial (vendre du PhysiX) issu d'une démo technologique ? En répondant tout d'abord à la question qui je pense est cruciale. Cell Factor : Revolutions donne-t-il envie d'investir 200 euros dans un PPU estampillé AGEIA ?. La réponse, de mon point de vue, est non. Ce n'est pas en mettant des petits messages "Achetez un physix pour avoir 3 niveaux de plus" qu'on peut convaicre qui que ce soit.
Bien sûr, comme évoqué dans ces lignes, la physique utilisée dans les niveaux est impressionnante, vu son échelle, et ce, avec du matériel classique. Mais là encore, ce n'est pas en disant que les niveaux non disponibles utilisent une physique dite "extrême" que ça va donner envie. Il faut des preuves, plus que des mots. Pour être convainquant, il faudrait que le jeu indique quelles sont les performances actuelles comparées à celles qu'on peut attendre si on est équipé d'un PPU, ou bien les effets qui n'ont pu être réalisés faute de PhysX. Techniquement, c'est j'imagine très compliqué, mais les joueurs jugent sur pièces.
Dans l'absolu, cependant, le jeu est bon, et à mon sens, donne une nouvelle dimension au multi-joueurs. Mais il aurait fallu de nombreuses autres cartes et des modes de jeux supplémentaires pour intéresser réellement la communauté, sans compter que l'absence du support du net est redhibitoire. Quelques vidéos et un design un peu moins épuré auraient aussi permis de réchauffer une atmosphère froide.
Bref, CellFactor : Revolution n'arrive pas à sortir de son statut de démo technologique, mais c'est une superbe démo jouable. Grâce à lui, on a la preuve que Armes, Véhicules et Physiques semblent être le triptyque ultime du FPS de demain. Mais rien ne dit qu'on aura réellement besoin d'une puce PhysX !