Avec la faillite de THQ au début de l'année 2013, la totalité de ses licences et studios a été mis aux enchères et c'est ainsi que Volition (renommé pour l'occasion Deep Silver Volition) et sa licence Saints Row sont passés aux mains de Koch Media via son label d'édition Deep Silver. A part sur le calendrier, cette acquisition n'a pas changé grand chose pour Saints Row IV, dont la trajectoire avait déjà été tracée par ses développeurs. Les trois premiers volets de Saints Row se sont illustrés progressivement par leur aspect toujours plus décomplexé, et cet opus s'inscrit donc dans cette droite lignée en proposant une expérience proche de la parodie. Cette nouvelle aventure en monde ouvert bac à sable était prévue à l'origine pour être un simple DLC pour Saints Row : The Third, mais face à son contenu, les développeurs ont décidé d'en faire une suite à part-entière. Les développeurs ont-ils réussi à faire un titre encore plus déjanté ou se sont-ils contentés de ré-exploiter de vieilles recettes ? Réponses dans notre test.
Meet the president
Le scénario surréaliste du jeu propulse le chef du gang des Saints en tant que Président des États-Unis, une place qu'il a pu gagner suite à à la gloire acquise après avoir sauvé le monde d'une menace nucléaire, rien que ça. Mais après quelques années à la tête du pays, notre président-gangsta va être confronté à une invasion extraterrestre ! Les défenses terrestres ne vont pas résister bien longtemps face aux impitoyables Zins qui vont imposer leur domination sur le monde, enlever le président et ses amis. Après quelques péripéties, vous vous retrouvez enfermé dans une réplique de la ville de Steelport de laquelle vous devrez vous échapper pour libérer le monde et vos potes aux mains du grand méchant alien. Cette réplique virtuelle de la ville sert aux développeurs à laisser libre cours à leur imagination dans le côté complètement « déjanté-WTF » du jeu. Excepté quelques détails mineurs, cette Steelport version 2.0 est identique à celle de Saints Row : The Third, pour le meilleur comme pour le pire. On retrouve donc la ville et ses quartiers à l'identique, avec leurs décors peu variés. Une impression renforcée par l'aspect sombre du jeu, qui se déroule uniquement de nuit, un vaisseau alien occupant la majorité du ciel, façon Independance Day. Et la ville n'est pas la seule chose qui a été recyclée par les développeurs, puisque l'on retrouvera certains passages du précédent opus reproduits parfois à l'identique, ou encore certains modèles aliens qui ne sont que des relookings de véhicules ou personnages humains. Heureusement, l'impression de déjà-vu s'arrête ici, car les développeurs ont également introduit de gros bouleversements au niveau du gameplay via l'ajout de pouvoirs.Super zéro
Et des pouvoirs, il va en être sacrément question dans cet opus, au point de rendre obsolète le gameplay initial. En effet, les pouvoirs donnent clairement le sentiment de jouer en god-mode (gode-mode devrions-nous dire pour rester dans le thème) avec tous les cheats activés. Le sentiment de superpuissance du héros est bel et bien là, ce dernier devenant un surhomme très tôt dans le jeu, ce qui a tendance à annihiler toute progression dans le titre. Dès le début du jeu, on peut courir très vite (plus vite que les voitures) et sauter très haut (aussi haut que les immeubles de plusieurs étages). Ensuite, il est possible de planer dans les airs pendant un certain temps, de propulser un rayon qui gèle instantanément objets et personnages, de soulever n'importe quel objet ou créature et les propulser violemment au loin grâce à la télékinésie. Il est bien évidemment possible de combiner tous ces pouvoirs selon votre bon vouloir. Ainsi, il est tout à fait possible de glacer plusieurs personnes en même temps, de faire léviter un camion non loin et de le lancer sur le groupe qui va alors se briser en mille morceaux. De ce côté, le titre lorgne pas mal du côté d'inFamous ou Prototype, quitte à abandonner une partie de son âme.Pouvoirs vs Gameplay = fight
Globalement, les pouvoirs du héros desservent totalement le jeu, puisque l'on ne se sert plus des véhicules (qui de toutes façon ont une conduite merdique, ne proposent aucune sensation de vitesse et ont une physique nulle) ni des armes, que l'on trouve bien vite inefficaces. Quand on voit qu'une boule de feu peut annihiler un groupe de 25 ennemis d'un coup, quel est l'intérêt de vider le chargeur de sa pétoire pour abattre péniblement un ennemi ? Ce n'est pas la possibilité d'améliorer les armes qui va venir au secours de ces dernières, car même au maximum, elles ne peuvent rivaliser avec le plus petit des pouvoirs. Ce n'est pas les armes aliens, qui sont le pendant des armes humaines, mais sans munitions, qui vont venir relever le niveau. Heureusement, les développeurs ont intégré quelques armes déjantées, comme le fusil qui crache de la dubstep (et qui devient d'ailleurs vite fatiguant à utiliser à cause de cette musique de m***e), le rayon grossissant, le rayon qui crée des trous noirs et celui qui projette les ennemis dans les airs. Or, à l'inverse des pouvoirs, les effets de ces armes se conjuguent mal, et l'on finit donc par utiliser toujours les plus efficaces : les lance-roquettes et les armes au corps-à-corps.Comme si cela ne suffisait pas, la ville est parsemée de clusters qui permettent d'améliorer les pouvoirs. Mais quand je dis parsemée, j'entends qu'il y en a plusieurs centaines par quartier, de fait que chaque toit de maison ou d'immeuble en possède un. Il ne faut aucun skill pour les récupérer, ce qui fait que l'amélioration de ses pouvoirs ne dépend que du temps passé à ramasser ces fameux clusters.
Parodique et décomplexé ou complexé d'être parodique ?
Les développeurs ont voulu pousser à fond le côté décomplexé et parodique avec ce nouvel épisode. Et s'il faut bien avouer que la partie parodique du contrat est rempli, il faudra repasser pour le côté décomplexé. La campagne solo réservera bien quelques surprises comme un combat contre une cannette géante (ah bah voilà, une surprise de moins), mais on reste globalement dans les clous, malgré de bonnes idées sous formes d'hommages à d'autres titres cultes comme Streets of Rage ou les jeux d'aventure textuels auxquels vous jouiez dans votre jeunesse si vous avez plus de 35 ans. A côté de cette campagne, on trouve aussi des missions secondaires qui seront données par vos amis les PNJ rassemblés dans un vaisseau en dehors de la simulation qui servira de camp de base aux Saints. Malheureusement, cet aspect du jeu est plutôt raté (malgré la référence à Mass Effect et Assassin's Creed), cassant le rythme en vous obligeant à faire des allers retours inutiles vers ce vaisseau juste pour faire causette (et se taper au passage deux fois la même animation et deux temps de chargement). Pire, les missions secondaires ne sont en fait que des activités que l'on peut faire par ailleurs dans la ville. S'il s'agit d'un bon moyen pour encourager les joueurs à les faire, on aurait préféré autre chose qu'une collection d'activités à peine scénarisées par des dialogues trop longs avec des PNJ bavards (tentez de lire des sous-titres en slalomant entre des immeubles à 300 km/h).Graphismes
Graphiquement, le titre est quasiment identique à Saints Row : The Third dont il emprunte le moteur graphique, c'est à dire plutôt moche. Déjà il y a deux ans à la sortie du troisième opus les graphismes commençaient à dater, et on se retrouve ici avec le même sentiment. Les textures sont affreuses, les models ne sont pas très détaillés. Les développeurs ont bien tenté de rajouter çà et là quelques effets graphiques, mais ils n'arrivent pas à cacher la misère d'un moteur déjà vieillissant, surtout sur PC. Cette sensation est renforcée par l'aspect nocturne du titre, qui interdit donc tout effet de lumière qui sont pourtant classes et peu gourmands en ressources.Conclusion
Si Saints Row IV est un bon exutoire, qui permet de foutre le bordel en toute gaieté, le jeu n'a pas suffisamment de substance pour être mémorable. En effet, la trame principale (une grosse dizaine d'heures a boucler, rajoutez-en 20 avec les missions secondaires et activités) est bourrée d'humour et de références, mais il faut bien avouer qu'il en faut un peu plus pour marquer les esprits. Ce n'est pas en ajoutant un gode-batte que l'on devient politiquement incorrect et SR IV le prouve de la plus belle des manières, le jeu se voulant impertinent, mais force est de constater qu'il est finalement bien sage. Le titre veut flirter avec l'interdit, mais même les publicités pour Caprice des Dieux sont plus chaudes, c'est dire. Mais au-delà de l'univers timide, ce qui choque le plus dans cet épisode, c'est le glissement vers un TPS aux super pouvoirs sans réelle maitrise du gameplay derrière. Trop brouillon, trop facile, le titre ne s'en tire que par son côté rigolo qui permet de s'éclater à tout faire péter. Saints Row 3.5 aurait été largement plus valable comme titre du jeu, et le sous-titre aurait même pu être "more of the same"...